27 novembre 2005

Titan: un monde glacé au sol spongieux baigné de pluies d'hydrocarbures


PARIS (AFP) - Les premières analyses des données transmises par la sonde Huygens lors de sa descente sur Titan, il y a presque un an, laissent entrevoir un monde baigné dans un brouillard orange d'hydrocarbures, au sol spongieux de particules organiques tombées en pluie sur des galets de glace.

Lors de sa descente de 2 heures et 28 minutes à travers l'atmosphère du plus gros satellite de Saturne, le 14 janvier 2005, la sonde européenne avait enregistré une multitude de données grâce à six instruments embarqués, qu'elle a continué à transmettre pendant 72 minutes après l'atterrissage.

De quoi alimenter des années de recherche, dont les premiers résultats font l'objet de sept articles dans la revue britannique Nature à paraître jeudi.

Ces analyses révèlent une chimie basée sur la transformation du méthane en hydrocarbures complexes dans la stratosphère. Le méthane est le gaz le plus présent dans l'atmosphère de Titan après l'azote.

Bombardé de particules dans l'environnement de Saturne, exposé aux rayons ultraviolets du Soleil, le méthane est converti en hydrocarbures et en composés d'azote et de carbone, qui se condensent entre 300 et 200 km d'altitude pour former un brouillard orange de matériaux organiques (Guy Israël, CNRS, France et Martin Tomasko, Université de Tucson, Etats-Unis).

Ces aérosols tombent finalement en pluie sur la surface, où ils s'accumulent en une couche spongieuse probablement composée de ces particules, de galets de glace d'eau et de méthane liquide, "de la consistance de sable mouillé" (John Zarnecki, Univ. de Milton Keynes, Royaume Uni).

Ce processus signifie que du méthane s'échappe constamment de l'atmosphère de Titan et doit être remplacé, ce qui implique l'existence d'un réservoir de méthane ou de carbone sous une forme primitive, probablement sous la surface du satellite (Tomasko et Hasso Niemann, Nasa, Etats-Unis).

"Un processus similaire pourrait avoir produit une grande poche de méthane sur la Terre", dont Titan serait un stade primitif, gelé en l'état, de l'évolution, a estimé mercredi un membre d'une des équipes de recherche, François Raulin, lors d'une conférence de presse à l'Agence spatiale européenne (Esa) à Paris. Le méthane (CH4) est la principale composante du gaz naturel.

Titan présente un intérêt tout particulier pour la compréhension de la Terre parce que cette lune de Saturne est le seul autre objet du système solaire à être doté d'une atmosphère épaisse majoritairement composée d'azote.

Du point de vue physique, les mesures ont confirmé une pression égale à une fois et demie celle de la Terre et une température de -180°C qui empêche la formation de toute vapeur d'eau, et donc d'oxygène, à partir de la glace d'eau (Francesca Ferri, Univ. de Padoue, Italie).

Quant aux vents, ils soufflent dans le même sens que la rotation du satellite et sont plus rapides, atteignant 120 mètres par seconde (430 km/h) à 120 km d'altitude. Curieusement, la sonde n'en a presque pas décelé en surface (1 m/s) (Michael Bird, Univ. de Bonn, Allemagne).

De quoi s'interroger sur des paysages sculptés par l'érosion sans doute due au méthane liquide qui a creusé des vallées profondes de 100 m et larges de 200, mais aussi par l'action du vent...

La mission Cassini-Huygens, des noms de la sonde européenne et de l'orbiteur américain qui l'a larguée près de Saturne après sept années de voyage, a suivi les sondes jumelles Voyager, de la Nasa, qui n'avaient pas pu voir en 1980-81 au travers du brouillard titanesque.

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