Dans la forêt aux mille couleurs, quand les feuilles bruissent avant que de tomber, près du torrent qui plonge en bouillonnant sur le village, je pense à vous. Je marche mais chaque pas m'embarque vers cet ailleurs qui fait passer d'un paysage à l'autre l'âme vagabonde.
Je vous vois dans l'atelier que je n'ai vu qu'en photo, je regarde la toile blanche qui peu à peu s'anime. J'entends le chat aux longues moustaches blanches ronronner heureux, enroulé sur votre vieux pull bleu.
Je vois votre jardin qui s'éteint doucement sous la fraîcheur d'octobre...j'entends les oiseaux et le bruit de la rade au loin, quand les bâteaux s'en vont vers des voyages inconnus.
Et le clapotis de la mer, le vent qui met du sel sur vos lèvres et des couleurs à vos joues, qui fait s'envoler votre barbe ondulante.
Quand reverrai-je votre sourire et la malice de vos yeux si bleus?
Vous me manquez ami...
J'écoute le berger de Chamablanc, et je m'enfuis dans les bruyères.
Au creux de mes poches, quelques noix, un morceau de pain, de quoi parcourir les terres de France, sans le poids de la faim. Je ne vous dirai point ce qui m'étreint l'âme, emplie que je suis de cette rêverie stérile du poète, l'âme ballottée entre deux existences...
L'automne me prend le corps à revers de fortune et me glisse cette mélancolie que je déteste, la peur des hivers sans fin. Je le sais, il faut que la nature repose avant d'être à nouveau féconde...mais je repousse mentalement ce dépouillement progressif des branches, doigts décharnés sous l'habit de verdure rougissant.
Fille des feux de St-Jean, des cerises et du foin odorant, je n'aime point le long cri des milans noirs sur les champs labourés, les fougères recroquevillées, le temps des colchiques, du vent et des pluies lourdes.
Je regarde le bleu du temps, soleil sur mes montagnes: les oeillets mauves des fossés, fripés de la dernière pluie, se parent de toiles perlées où s'abîment quelques insectes étourdis. Les troupeaux paissent la dernière herbe tendre, petits veaux à la sieste, paresse dominicale, premier dimanche de vie pour leurs pattes grêles, hésitantes...
Je cueille la dernière marguerite, qui rejoindra le carnet des souvenirs avec la grande feuille de chêne de l'allée, le galet en forme de coeur trouvé au Tréport, l'aquarelle de Bertignat, les coquillages de Chloé...
Il est temps de dormir: la lune, pièce d'or sur velours noir m'invite à d'autres voyages que celle de ma plume.
La nuit épaisse s'étend sur la lande. Je vois votre pinceau qui file droit, cherchant l'au-delà du monde. Je serai là...parce que le bleu des songes, le vent de Foehn et de Lombarde, parce que tout reste à prouver, le bonheur lui-même...
Merci Muséa
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