22 août 2005

Le glacier d'Ilulissat au Groeland, chef-d'oeuvre menacé par le réchauffement



ILULISSAT (AFP) - Une large coulée de glaces de plusieurs kilomètres, aux formes déchiquetées, s'étend à l'horizon. Au bout un impressionnant mur blanc se profile : le front du glacier d'Ilulissat, dans l'ouest du Groenland, une des merveilles du monde, classé en 2004 par l'Unesco au patrimoine de l'humanité.

"Nous sommes témoins de l'un des exemples les plus frappants du réchauffement climatique en Arctique", constate l'expert américain Robert Corell en survolant le glacier à bord d'un hélicoptère.

Le bord du glestcher, extrémité inférieure du glacier, "a reculé de plus de 10 km en 2-3 ans (de 2001 à 2003) après avoir été relativement stable depuis les années 1960", explique-t-il. Président de l'"Etude sur l'impact du climat sur l'Arctique" (Artic Climate Impact Assessment, ACIA), un rapport de 1.400 pages réalisé par plus de 250 scientifiques et publié en novembre dernier, le Docteur Corell a emmené sur les lieux quelque 22 ministres et délégués de l'Environnement réunis du 16 au 18 août à Ilulissat pour des discussions informelles sur les changements climatiques. "On ne peut trouver d'exemple aussi concret et parlant du réchauffement de l'Arctique qui est deux fois plus rapide que celui du reste du monde", a-t-il déclaré à l'AFP, en notant qu'"en 12 mois (entre 2002 et 2003), le front du glacier a reculé de 7 km". Il montre "comment le front glaciaire en vêlant (détachement de blocs de glace) fait tomber en cascades des morceaux géants qui avancent à une vitesse d'environ 35 mètres par jour ou quelque 13 km par an, pour devenir des icebergs dans la mer". "Le problème est que le front du glacier recule de plus en plus, et un glacier qui recule est un glacier qui diminue en extension, signe évident du réchauffement" qui s'est accéléré notamment ces dernières années dans l'Arctique, selon ce chercheur reconnu de l'American Meteorological Society à Washington D.C. Ce réchauffement est également constaté par le professeur Jason Box du Byrd Polar Research Center de l'Ohio State University, qui vient d'effectuer des recherches financées par la Nasa (l'agence spatiale américaine) sur ce glacier, avec le soutien logistique de l'organisation écologiste Greenpeace. Ayant placé un petit bateau gonflable muni d'équipements de surveillance pour mesurer la profondeur des lacs de la calotte glaciaire, il a observé que la production d'eau avait augmenté de plus de 30% en 17 ans seulement. "Nous avons constaté une augmentation de la vitesse de la fonte des glaces au cours des dernières années, qui confirme le réchauffement mesuré par des stations météorologiques placées le long des côtes" de l'île, a-t-il souligné, dans un reportage vidéo de Greenpeace. L'organisation a dépêché pendant près de 2 mois son navire "Arctic Sunrise" au Groenland pour sa campagne de sensibilisation sur le réchauffement climatique, qui s'est achevée dans le fjord d'Ilulissat. "De plus en plus d'eau circule dans le système de l'inlandsis groenlandais, et il apparaît qu'il existe un lien entre un accroissement des eaux de fonte et l'augmentation observée dans l'accélération de la vitesse de déplacement des glaces", a-t-il souligné. Le volume d'eau de fusion de l'indlandsis est important car il joue un rôle dans l'accélération du mouvement des icebergs vers la mer, et affecte par conséquent le niveau des océans. Pour M. Corell, "cette question cruciale n'est pas une question à traiter demain, mais aujourd'hui". "Il n'y a pas de temps à perdre", a renchéri Martina Krueger, chef de l'expédition de Greenpeace. En effet, si le réchauffement se poursuivrait, comme le prédisent les experts, la calotte glaciaire du Groenland viendrait à fondre dans quelques centaines d'années, augmentant de 6 à 7 mètres le niveau des océans, et menaçant plus de 1,2 milliard de personnes, vivant à moins de 30 km de la mer.

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