HAUTERIVES (AFP) - Deux soirs par semaine cet été, les marionnettes du Théâtre du Fust s'animent devant le Palais idéal du facteur Cheval à Hauterives (Drôme) et tentent avec humour et poésie d'apporter leur éclairage sur ce monument insolite.
Chaque vendredi et samedi soir jusqu'au 13 août, à la tombée du jour, Ferdinand Cheval renaît devant l'oeuvre qu'il a élevée, à la fin du XIXème siècle à Hauterives, dans les collines drômoises, avec des pierres qu'il récoltait pendant ses tournées de facteur.
"La vie sans but est une chimère", proclame une pancarte inspirée des nombreuses maximes que le facteur a gravées sur les murs de son palais, alors que la petite marionnette au regard austère et aux gestes tendres pousse sa brouette le long de la scène posée devant la façade sud.
Une quarantaine de marionnettes se succèdent ensuite en un patchwork de saynètes: un sketch de Courteline sur un fonctionnaire des postes borné, un passage dans la kasbah d'Alger inspiré de Pierre Loti, une évocation libertaire d'Adam et Eve perchés sur "l'arbre de vie" sculpté par Cheval..."Quand on aborde le phénomène de cette construction, c'est tellement étonnant qu'on cherche désespérément dans son contexte historique et culturel ce qui peut l'éclairer", explique Emilie Valantin, metteur en scène et fondatrice du Théâtre du Fust, "nommé" cette année aux Molières.
"Pour moi, ce palais est le fruit du besoin d'expression d'un homme humilié" qui, avec "un instinct extraordinaire de plasticien", s'est créé une culture à partir de bribes récoltées sur les bancs de l'école et dans les journaux de voyage, ajoute-t-elle. Cette recherche du sens n'empêche pas l'humour, comme dans une scène où des visiteurs du début du XXème siècle livrent leurs commentaires, puisés dans le livre d'or du Palais. "Le petit Cheval, il ne devait pas aimer la géométrie", s'exclame un homme à la mine sévère, alors que Le Corbusier enfant vomit à n'en plus finir et que Guignol et Gnafron, venus en voisins, proposent une nouvelle maxime à graver: "Le rouge, c'est bon en mangeant, le blanc, c'est bon en buvant". Avec une moyenne de 130.000 visiteurs par an, le Palais idéal est l'un des principaux sites touristiques de la région. "Mais les gens viennent surtout pour le caractère insolite de ce facteur qui a passé 33 ans de sa vie à construire quelque chose qui ne sert à rien. Il nous faut sortir de cette image un peu kitsch", explique Christophe Bonin, directeur du Palais idéal. Ces spectacles estivaux ambitionnent donc de faire revivre l'inspiration du facteur Cheval, afin de remettre son oeuvre, qu'André Malraux considérait comme le seul exemple d'architecture naïve, dans l'histoire de l'art et non pas seulement dans celle du tourisme.
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