02 décembre 2005

Synthèse semestrielle : la femme dans la pub

On s'éclate !!!!!!

Introduction

Avec l’émancipation de la femme, et surtout depuis la deuxième moitié du 20ème siècle, ses conditions de vie ont bien changé ; sur le plan familial et domestique, grâce par exemple aux appareils électroménagers, et sur le plan professionnel grâce à l’introduction de protections e de droits comme le travail partiel ou encore les congés maternité. Ajoutons à cela des moyens contraceptifs sûrs, le droit à l’avortement, des procédures de divorce simplifiées. Grâce à tous ses changements, elle a pris une certaine forme d’assurance et son image en a bien changé.Dans notre société actuelle, elle occupe une grande place. Si les femmes représentent une cible très attrayante pour la publicité, et notamment dans le domaine cosmétique et celui de la mode, elles peuvent également servir ses intérêts, en en devenant un outil privilégié.On peut le constater au travers des six publicités suivantes, qui ne sont qu’un « échantillon ». La première, trouvé dans le magazine hebdomadaire l’Express, est une publicité pour le nouveau parfum féminin d’Yves Saint Laurent. La deuxième est une publicité pour un parfum masculin de chez Azzaro et est également tirée de l’Express, ainsi que la troisième, qui présente l’appareil photo numérique Samsung Digimax i5. La quatrième, tirée du magazine féminin Prima, rassemble une maman et sa petit fille dans un moment complice et tendre et vend les mérites du fromage blanc Calin de Yoplait. Le cinquième document est une publicité pour le parfum Opium d’Yves Saint Laurent, tirée elle aussi du magazine l’Express. La sixième publicité, enfin, est tirée du magazine féminin Avantages pour le nouveau parfum de Nina Ricci, Love in Paris. Comment la publicité utilise-t-elle la femme et la féminité ? En la transformant en épouse, mère, compagne idéale, en la sublimant et en l’idéalisant, elle devient objet publicitaire, mais ceci a également des limites.

I. La femme idéalisée et sublimée comme objet publicitaire

1. La femme comme illustration du produit

Une femme illustre une publicité pour un aspirateur, une machine à laver, car elles sont considérées comme les consommatrices traditionnelles, stéréotypées, de ces produits. C’est le cas dans la quatrième publicité pour Calin de Yoplait. La maman et sa petite fille, toutes les deux belles et lisses, sont en train de faire un câlin. Le moment est plein de tendresse, et la maman, en serrant affectueusement son enfant dans ses bras, regarde d’un air tendre en direction du pot de fromage blanc. En règle générale, les femmes et les filles consomment plus de fromage blanc que les hommes. Contrairement au slogan, cette maman et sa fille ne manquent pas de « calin », puisqu’elles se câlinent et mangent du Calin. Pas d’homme, elles sont autonomes et se suffisent à elles-mêmes ; le fromage blanc, le Calin, remplace le câlin de l’homme.

Les femmes peuvent également illustrer une publicité pour des vêtements, une voiture: elles sont les utilisatrices de ces produits et la consommatrice cible est censée se reconnaître dans ces femmes, ou s’identifier à ces modèles. Ce phénomène d’illustration est notamment valable si les femmes elles-mêmes sont la cible de la publicité, fait indéniable dans les publicités pour cosmétiques féminins.

C’est par exemple le cas dans la publicité pour le parfum Cinéma, ou celle pour le parfum Opium. Dans la première, la femme trône au milieu d’hommes à genoux tout autour d’elle, la dévorant des yeux, mais sans la toucher. Clairement, elle les domine. Elle est le point focal de la publicité, cet effet étant renforcé par la lumière qui est sur elle et par le blanc de sa tenue vestimentaire. Dans la seconde, la femme est dans une position très équivoque, extrêmement provocante et séductrice. Le jeu des miroirs évoque les Trois Grâces, les filles de Jupiter, divinités grecques de la Joie, du Charme et de la Beauté. Avec les Muses, elles appartiennent à l'entourage d'Apollon et, comme toutes les femmes de l'Antiquité, elles embellissent la vie des hommes et des dieux.

Pour certains produits, comme les parfums, les vêtements, les accessoires, la publicité joue sur l’ambiguïté du véritable destinataire du produit : est-ce les femmes, qui en sont les consommatrices, ou les hommes qui en sont les « consommateurs indirects » et que les femmes doivent séduire ? Cette ambiguïté est parfaitement claire dans la publicité numéro 5, où le modèle regarde le lecteur d’un air extrêmement sensuel ; tout en elle, de son attitude à sa tenue, fait comprendre qu’elle invite l’homme à la rejoindre. Il en va de même pour la publicité Nina Ricci (sixième document). La femme est symbolisé par le flacon de parfum ; si l’on renverse la publicité, la forme du flacon évoque de manière schématisée la forme du vagin, et la manière dont le bouchon et le haut du flacon se rejoignent évoque clairement le col de l’utérus. En arrière-plan, la tour Eiffel, plus nette que le bâtiment, symbolise l’homme. Love in Paris, le nom du produit, complète l’ensemble. Cette publicité illustre parfaitement l’ambiguïté du destinataire ; elle s’adresse aussi bien aux hommes qu’aux femmes, même si le flacon, qui représente la femme, est mis en avant par rapport au symbole phallique.

2. La femme en association avec le produit

Dans le cas où la femme est associée au produit, le lien entre le produit et le personnage féminin n’est pas clairement explicite, mais l’image de la femme est utilisée comme une accroche, comme un instrument de provocation. L’objectif est d’attirer l’attention sur le produit, mais pas nécessairement d’identifier le personnage féminin au produit. La femme est alors souvent représentée comme un objet de fantasmes, en particulier sexuels, fantasmes stimulés par des allusions. La cible de la publicité est aussi bien les hommes que les femmes car l’imaginaire érotisé de la publicité est basé sur les mythes du désir et de la séduction, qui concerne les deux sexes. La publicité véhicule donc ici une sorte de propagande « patriarcale » et traditionnelle qui existe encore, malgré l’évolution des rapports entre hommes et femmes.

C’est le cas par exemple pour la troisième publicité, l’appareil photo numérique de Samsung. L’appareil photo est « un bijou à emmener partout », et il s’agit de « L’appareil photo numérique qui se montre ». La jeune femme est habillée très près du corps, très moulant et très court ; elle est assise dans une position de séductrice et regarde de côté, vers la droite, d’un air nonchalant, mais avec la bouche légèrement entrouverte. Son attitude générale est donc plutôt provocante sexuellement et, entre ses boucles d’oreilles et son bracelet, elle tient à la main le fameux appareil photo, comme elle porterait un bijou. La cible est aussi bien els hommes que les femmes. C’est aussi le cas de la publicité Nina Ricci, où toute la relation homme / femme est exprimée de manière tout à fait symbolique, mais aussi érotique, et qui cible les deux sexes. Il en va de même pour le deuxième document, la publicité Azzaro, où la relation est égale. Au premier abord, on va croire que l’homme est le dominant en raison du regard qu’il lance au lecteur et de sa position par rapport à la femme. Mais le slogan vient démontrer le contraire : « Que seraient les hommes sans les femmes ? ». Ici, il y a une forme d’égalité et de parité entre les deux sexes. Les hommes comme les femmes sont ciblés par cette publicité, mais la femme est bel et bien en association avec le produit, selon le slogan, elle en est même à l’origine. Sans les femmes, pas d’hommes, donc pas de parfum masculin Azzaro. Sans femmes à séduire, les hommes ne portent pas de parfum. Dans ce cas, la cible est également les femmes comme les hommes.

II. Les limites et impacts de l’évocation féminine dans la publicité

  1. Le sexisme

Le sexisme représente une discrimination envers un sexe, auquel on refuse l’égalité ou la dignité en stéréotypant des caractéristiques générales qu’on attribuera à ce sexe.

Même si aujourd'hui, en Occident, les changements dans le mode de vie donnent aux femmes des rôles tenus autrefois par des hommes, aussi bien dans le monde du travail, de la politique que sur le plan des loisirs, et malgré le fait que la cohabitation entre les sexes se soit développée et que la famille « patriarcale » (traditionnellement dominée par l'homme) se soit grandement affaiblie, le sexisme perdure.

Dans la publicité, ce sont les femmes qui sont le plus généralement affectées par le sexisme ; elles sont aussi bien idéalisées (top models) que dégradées (prostituées), leurs capacités intellectuelles sont niées et le corps féminin est réduit à un instrument de séduction ou à un objet de désir. La notion de sexisme est présente par exemple dans la publicité pour le parfum Cinéma, la femme ici est aussi bien idéalisée que dégradée, en effet, en regardant bien la scène, on peut imaginer assez aisément la suite des évènements. C’est également le cas dans le cinquième document, où la femme est idéalisée, dans la mesure où elle est très belle et bien mise en valeur, et à la fois dégradée, par sa tenue vestimentaire et son attitude générale extrêmement sexuelle et provocante. Elle devient bel et bien objet de désir et de convoitise, et objet livré en pâture aux publicitaires.

2. La nouvelle image de la sexualité et du couple

Dans la publicité, le choix des images ne fait que renforcer l’idée que les femmes sont des objets sexuels et non des êtres humains à part entière. Ceci a nécessairement un impact sur les relations qu’elles entretiennent avec les hommes.

Le couple est l’un des sujets de prédilection de la publicité, notamment dans le domaine cosmétique et de la mode. La vie de couple est présentée de manière irréaliste et figée. Grâce au produit, le consommateur croit qu’il va vivre la vie sexuelle de ses rêves, les hommes répondent tous de la même façon aux avances des femmes, etc. Cette idée est très fortement exprimée dans la publicité pour le parfum Cinéma ; la femme est puissante, elle est le dominant, et elle n’a que l’embarras du choix parmi tous les beaux éphèbes qui sont à ses pieds.

De plus, ces publicités tendent à renforcer les stéréotypes sexuels. Les lectrices apprennent indirectement que leur vie amoureuse, sexuelle et familiale est uniquement sous leur responsabilité. Le message émis donne une vision très traditionnelle du couple et de la famille, dans laquelle la femme prend soin de son monde et assure l’harmonie du foyer. À ces obligations traditionnelles s’ajoute celle d’être la plus belle, la plus séduisante, la plus provocante pour satisfaire l’homme. En plus d’être présentée de manière superficielle et irréaliste, la vie sexuelle est dénaturée au point de devenir une activité comme une autre. La disposition des symboles dans la publicité Nina Ricci en est un exemple. Dans la publicité pour le parfum Azzaro, le regard complice que jette l’homme vers le lecteur exprime la fierté. Une superbe femme est en train de l’embrasser et il ne la regarde pas, il est fier, comme si elle était un trophée.

Il y a cependant une tendance nouvelle à l’inversion des rôles dans la publicité ; les stéréotypes sexuels sont renforcés, mais l’image de la femme change.

Elle est d’une part un objet, son image est certes parfois dégradée, mais elle est un objet sublimé et idéalisé ; donc difficilement accessible et touchable, un objet que la publicité, d’une certaine manière, suggère inconsciemment aux hommes de craindre. Dans la publicité pour le parfum Cinéma, aucun des hommes qui encerclent la femme ne la touche ; dans la publicité Nina Ricci, le flacon qui symbolise la femme se trouve à l’avant-plan par rapport à la Tour Eiffel qui symbolise l’homme. Dans la publicité pour Opium, la femme semble intouchable et inaccessible, ce qui est renforcé par le rapprochement avec les Trois Grâces : elle est comme une divinité.

D’autre part, l’autonomie et l’indépendance de la femme par rapport à l’homme sont des idées de plus en plus présentes. Même si l’on voit rarement des publicités représentant des femmes ayant réussi professionnellement, on voit en revanche beaucoup de femmes indépendantes, parfaitement autonomes et qui se suffisent à elles-mêmes. Si l’on prend par exemple la publicité pour le fromage blanc Calin, on se rend immédiatement compte de l’absence de tout homme. Il n’y a qu’une maman et sa petite fille (pas un fils mais bien une fille !) qui rayonnent de bonheur et d’affection, et l’on comprend que c’est en grande partie grâce au pot de fromage blanc sur lequel la mère pose un regard tendre. Toutes deux sont très heureuses, elles n’ont aucunement besoin d’un homme pour cela, juste d’un pot de Calin. C’est aussi le cas pour la publicité Samsung : pas besoin de bijoux pour séduire et plaire à un homme, l’appareil photo suffit. Dans le cadre dessiné, on imagine très bien la tête d’un homme qui reposerait tendrement sur les épaules de sa compagne. A la place, il y a un appareil numérique.

Conclusion

Malgré les progrès observés dans la manière dont la femme est montrée et perçue, il y a toujours du chemin à faire, car lorsqu’il y a progrès d’un côté, il y a régression d’un autre. Il y encore une décennie, les femmes étaient présentées de manière nettement moins érotique et suggestive qu’aujourd’hui. La publicité véhicule encore trop souvent une image stéréotypée des femmes et de la sexualité. Les compagnes dévouées ou les femmes fatales font toujours partie du paysage publicitaire et sont représentées comme des objets. L’impact de ces stéréotypes est d’autant plus important qu’ils constituent souvent les rares images que les femmes et particulièrement les filles ont d’elles-mêmes à travers la publicité et les médias, par le biais du processus d’identification. Pourtant, la société évolue ; la femme semble de plus en plus bel et bien être celle qui « porte » la culotte dans le couple, il y a de plus en plus de pères au foyer et de femmes qui atteignent un haut niveau de réussite professionnelle. Si la publicité suivait davantage cette évolution en véhiculant une image plus en adéquation avec la femme moderne, il n’y aurait peut-être pas un tel décalage avec la réalité.

Dès lors se pose la question de savoir quelle manière la publicité limite, ou accentue, l’importance des femmes et des filles dans la société.

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